Portrait de parents d’ados, témoignage de Caroline

Caroline, maman d'un ado de 17 ans et de deux adultes. 



Parentado : quelles ont été tes relations avec tes ados ?

Caroline : comme la plupart des parents d'ados, les relations avec mes fils se sont compliquées à l'adolescence. Cette période a modifié durablement mes relations avec chacun, au fur et à mesure que le caractère d'adulte s'ébauchait puis se précisait.

Le fait est qu'avec les deux aînés, la donne à l'arrivée n'avait plus rien à avoir avec les relations de l'enfance.
Je constate un dénominateur commun aux 3, dans le fait d'avoir eu et élevé quasiment seule durant toute la durée de l'éducation, 3 garçons. La crise est sûrement (voire plus !) intense avec une fille, mais le lien mère-fils est peut-être un peu plus souvent fusionnel, ce qui était le cas chez moi.

D'où une nécessité pour eux pour de se détacher avec chacun sa méthode, plus ou moins nuancée, mais de façon nette. En résumé, faire l'omelette en cassant les œufs, peut-être la seule façon d'arriver à couper ce cordon si tenace !


Avec le petit dernier (17 ans), qui vit toujours avec moi, disons que depuis 3 ans nous traversons bon gré mal gré cette période délicate. Il y a eu des passages tendus, très tendus, des périodes de crise. Nous avons appris l'un l'autre à les gérer, ce qui est un travail du quotidien, en tout cas en ce qui me concerne !

Parentado : Peux-tu me dire comment tu as su améliorer tes relations avec le dernier ?

Caroline : même si les frictions sont encore présentes, elles se désamorcent assez vite, car j'ai la chance d'être en reconversion professionnelle dans la Relation d'Aide, et donc d'avoir à ma disposition des outils presque "clé en main", qui permettent d'appliquer directement à la maison ce qui m'est enseigné en cours !

C'est ainsi que j'ai découvert l'Analyse Transactionnelle, mise au point par le psychiatre Eric Berne, et qui identifie chez tout individu 3 états du "Moi" : le Moi Parent, le Moi Adulte et le Moi Enfant.
Ces 3 entités fonctionnent en chacun de nous, et régissent toutes nos interactions avec autrui. Ainsi il n'est pas rare de trouver face à soi un Enfant Rebelle ou dit "Adapté/Soumis" dans une conversation avec sa meilleure amie, ou un Parent Normatif (celui qui "dicte les règles et fixe le cadre"...). 
La transaction sera fluide si c'est le même état du Moi qui répond à l'autre dans la transaction. Et perturbée, voire coincée si les états du Moi en interaction sont différents.
Ça a l'air tout bête mais mais j'ai appliqué les préceptes de l'Analyse Transactionnelle pour désamorcer les situations et conversations tendues ou bloquées avec mon fils, en apprenant à changer mon "état du Moi" en action à l'instant T. 
Lorsque je me posais en Parent Normatif face à un Enfant Rebelle, je me plaçais dans l'Adulte, en changeant de sujet ou en n'évoquant que des faits factuels, sans aucun affect, ni reproche, ni sous-entendu.

Cette explication simplifie à l'extrême les préceptes de l'Analyse Transactionnelle mais le fait est que ça a fonctionné et que j'essaie de m'y tenir.  
Résultat : des conversations qui ne dérapent plus, plus de haussement de ton, et des sujets "touchy" reportés à un autre moment lorsqu'ils sont mal engagés, et surtout, reportés sous une autre forme, avec beaucoup moins d'affect et d'émotion en jeu car utiliser l'Analyse Transactionnelle fait prendre beaucoup de recul à son insu.
C'est donc tout bénéfice pour les parties concernées !

L'Analyse Transactionnelle concerne aussi bien les relations privées que les interactions sociales, on peut donc l'utiliser aussi en entreprise, dans toute situation. Des petits bouquins très bien faits et accessibles à tous expliquent les grandes lignes, et comment appliquer l'AT.

Parentado : penses-tu que la scolarité ou l’orientation est un sujet de conflit entre parents et ados ?

Caroline : bien sûr, ce sont de potentiels sujets de conflit ! La société dans laquelle nous vivons, considérablement durcie par rapport à "notre époque", le stress et la pression que subissent les ados dans un système scolaire qui ne met pas en valeur leurs capacités personnelles mais les oblige à la performance et à la compétition, les craintes et frayeurs des parents quant à l'avenir, autant de sujets de friction à chercher l'équilibre juste entre rêve et réalité.

L'exercice est encore plus difficile que lorsque nous étions jeunes nous-mêmes, dans une société à priori plus sécure et dans la perspective du plein emploi ou presque.

Aujourd'hui, on continue de demander à nos ados de se couler dans des moules qui ne sont plus forcément adaptés aux crises sociétales que nous traversons et à ce qu'elles généreront - qui reste de plus dans un grand flou artistique. 
Certains arrivent à tirer leur épingle du jeu (les plus souples ?), pour d'autres c'est très difficile de revendiquer son originalité, de refuser ce qui est proposé et de tenir bon dans des choix à priori inquiétants, ou plutôt, qui inquiètent les parents. 
Côté scolaire, peu d'écoute, pas assez de moyens pour tenir compte des individualités, pour booster les jeunes à exprimer leurs pleins potentiels, et je ne parle pas uniquement des potentiels intellectuels mais de tout ce qui fait la valeur de l'individu : sa capacité à nouer des liens, à respecter les autres, ses aptitudes artistiques ou techniques, sa débrouillardise, sa faculté à rassembler, à tempérer, à organiser etc...

Dur pour eux, dur aussi pour les parents, de bien conseiller.

J'aurais tendance à dire à mon fils : "Fais exactement ce que tu aimes", car plus rien n'est sûr de nos jours : ni nos retraites, ni notre système de santé... 
L'important est qu'il soit épanoui dans le domaine pour lequel il se sent fait. Il trouvera toujours moyen de se débrouiller si le plein emploi n'était pas garanti, pour ça je lui fais confiance comme je fais confiance à sa génération, très connectée (c'est l'avantage des réseaux sociaux !), et solidaire pour mettre les uns, les autres sur des "bons plans". Nous n'avions pas ces outils quand nous étions jeunes, nos ados peuvent résoudre un problème, une situation beaucoup plus vite que nous, dans cet univers virtuel dans lequel ils baignent depuis des années.

Mon regret c'est de ne pas voir du tout évoluer l'univers scolaire, l'encadrement, les méthodes, le discours des professeurs... là aussi, le manque de moyens est immense et notre pays est très en retard par rapport à d'autres. Mais franchement, quand j'entends parler certains profs, j'ai l'impression d'entendre les miens, alors que près de 40 ans ont passé. C'est dingue ! 📓🔔📚 
Parentado : quels conseils pourrais-tu donner à des parents d'ados en crise ou aux ados ?

Caroline : aux parents, je dirais de toujours faire en sorte de ne pas rompre le dialogue, le lien, c'est essentiel, et plus que jamais l'ado a besoin dans ces périodes de doute d'avoir un phare inébranlable vers lequel se tourner, même si c'est celui qu'il fuit !
 Donc, tenir bon. Se faire aider si nécessaire auprès de professionnels de l'adolescence et de l'orientation. Se faire aider soi-même aussi lorsque la crise est vraiment trop lourde. Ne pas en vouloir à son ado, il n'a jamais été aussi fragile quoiqu'il dise et montre...

Ne pas se bloquer non plus devant des envies d'orientation qui ne correspondent pas à ses propres projections, ou qu'en tant que parent on peut éventuellement trouver "délirantes". Si l'ado a un rêve, un idéal dans lequel il peut projeter sa vie future, c'est déjà beau. La société actuelle est si peu réjouissante que franchement, ceux qui arrivent à positiver ont du mérite parfois.

S'il a du mal à se déterminer, explorer d'autres pistes que les pistes traditionnelles, ne pas s'en tenir aux salons de l'orientation, si on le peut financièrement, essayer de lui mettre en main des outils "différents", qui lui permettent d'exprimer son potentiel, je crois avoir vu un article sur le sujet dans ce blog même.

Aux ados, je dirais : croyez en vous même si l'école n'est pas votre truc ou ne vous laissera pas de bons souvenirs, c'est un passage obligé mais pas une référence pour votre vie personnelle. Essayez de mettre à plat plusieurs choses : où vous voyez-vous dans 5 ans, 10 ans, 20 ans ? Dans quelle région, quel pays ? Quelle serait votre vie idéale, entourés de quels types de personnes, dans quel environnement ? Quels sont les choses que vous aimez faire, celles que vous détestez faire ? Quelles sont vos valeurs ?

Si vraiment ces éléments ne vous donnent pas suffisamment de pistes et si votre environnement familial y est favorable, laissez-vous le temps de la réflexion. L'année de césure est une solution, lorsqu'elle est occupée utilement, autrement dit à apprendre quelque chose de complètement neuf, ou que vous aimez déjà faire et pouvez approfondir en attendant de savoir comment vous orienter.
Et puis on a aussi le droit de se tromper dans la vie : une année interrompue n'est pas perdue. Pendant quelques mois, vous avez appris des choses. Déjà que ce que vous appreniez n'était pas votre tasse de thé.

Les adultes aussi doutent de leurs choix, il est donc bien normal que vous ayez aussi vos interrogations, surtout à l'heure du choix d'un futur métier. Mais vous avez aussi un super atout : le nombre d'années devant vous pour mettre en place un projet de vie. Aujourd'hui on ne peut plus prétendre garder le même métier toute sa vie. Raison de plus pour explorer toutes les pistes, VOS pistes, celles qui vous ressemblent. 😏


Parentado : merci beaucoup Caroline.

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